Du plus loin que je sois capable de me souvenir, on m'a toujours dit que j'étais atypique; au départ ça parait flatteur, même original et puis au fur et à  mesure que l'on avance dans l'âge et dans l'évolution professionnelle on s'aperçoit du piège. Les jugements des gens, "encore un qui croit tout savoir", "il veut tout faire", "il ne peut pas faire comme les autres": celle-la je la déteste, et la somme des autres commentaires débiles. Il y a aussi des surnoms amusants comme "Le Caméléon" ou les questions du genre : "mais tu as fait combien de métier?".

Cela commence quand on a une tâche à  accomplir et que l'on est dépendant d'un collègue qui "prend son temps" ou qui fait "en fonction de ses moyens". On commence par bouillir d'impatience, et oui l'atypique est impatient, et on tourne en rond; puis on se décide à  lui donner "un coup de main", au sens figuré pour l'instant même si ça démange de passer au sens propre, s'il est assez ouvert pour le recevoir. On se sent aussi emprisonné dans la lenteur et on le vit très mal; ou la frustration d'être sous-employé, avec juste un bout de travail, quelque chose qui n'est pas global et que l'on a du mal à  faire et même à  comprendre, pour à  la fin se sentir parfois débile ou inadapté. Petit clin d'oeil aux personnes qui conceptualisent TOUT et ne réalisent RIEN.

Le rapport à  la hiérarchie peut être aussi compliqué parfois. On ne comprend pas toujours pourquoi les décisions ne sont pas prises et que de sempiternelles tergiversations prennent la place des actes; les périodes de latences sont aussi très mal vécues car l'atypique n'aime pas perdre du temps et encore plus le sien. On évalue les actions avant de les entreprendre, mais avant on évalue les évaluations, puis on reporte les évaluations des actions et PERSONNE n'entreprend quelque chose, cela passe mal aussi. Des cycles d'itérations sans fin peuvent débuter pour qu'à  la fin trop d'inconnues demeurent et que l'on ne fasse rien. Nous, on a envie d'avancer, de faire bouger les choses, que ce soit vivant, rythmé, réactif et surtout pro-actif. L'atypique déteste la frustration.

Il y a une épreuve TERRIBLE pour l'atypique : sa première rencontre avec un animal perfide et malicieux: le recruteur. Celui-ci, mandaté par les compagnies, donc avec une objectivité et une bienveillance toute relative, vous aborde et vous brosse dans le sens du poil pour certains, ou vous fuit comme la peste pour celui moins cérébralement pourvu (mot subtilement choisi : sur des bases demandant de l'intelligence et de la structure). Celui-ci panique, pour ne pas dire bugge carrément (celui de l'an 2000 n'aurai pas eu l'air aussi chaotique au vu de l'expression de son visage), quand il s'aperçoit quelle espèce il a en face de lui; son problème majeur étant de vous faire correspondre à  ses petites cases étriquées dans laquelle il a l'habitude de ranger vos "skills". Heureusement, certains vous disent honnêtement qu'ils ne savent pas comment "valoriser votre profil", mais je n'ai pas besoin d'être valoriser.... Juste compris mais cela parait une demande farfelue.

Arrive le moment fatidique de l'entretien d'embauche; tout comme le reste il y a toujours 2 types de réactions:

• La première est l'écoute attentive de l'interlocuteur (pas recruteur car il adopte une posture d'écoute empathique) qui essaie de vous comprendre et en même temps de trouver toutes les missions transversales que vous pourrez accomplir dans votre prochain poste.
• La deuxième est la vision ringarde du recruteur, en retrait, vous jugeant plus qu'écoutant, et essayant de trouver un fil conducteur dans toute votre aventure... Excusez-moi mais le fil conducteur est devant vous: C'est MOI et mes envies, ma curiosité, mes besoins, ma personnalité, mon originalité, ma créativité. L'atypique est aussi une personne. Alors quand certaines personnes (de la fonction publique Suisse) dotées d'une antipathie hors norme vous balance tout sec: " c'est assez décousu tout ça", vous le prenez en pleine face sans ménagement et ça fait mal. Cela vous décourage un instant mais vous repartez de plus belle; oui l'atypique ne lâche pas l'affaire.

Et puis il y a les questions générales du type: que va t'il faire exactement? va t'il se cantonner à  sa fiche de poste (très difficile pour un atypique, qui est une personne avant tout et qui ne se limite pas à  une fiche de poste), la peur de donner sa chance, de créer un poste, d'utiliser l'intelligence collective mais avec la mise en avant de l'unicité de chaque personne. Il suffit de penser à  tous les avantages que vous pourriez tirer de ces qualités transversales, de cette motivation et de cette energie...

Tout ça sont encore des notions utopiques car peu d'entreprises sont prêtes à  franchir le pas et à  s'ouvrir à  ce "genre de profil". Genre tu es un "genre", un peu réducteur non? Tu es une personne, un être humain avec des besoins et des désirs et on te mets encore dans une boite en 2016.... Mais on ne perd pas espoir d'être un jour libéré de ce mode de penser, de ce mode de recruter, de ce mode de travailler; pourquoi ne pas chercher des solutions alternatives, sortir des sentiers battus, créer, innover, changer, évoluer, se transformer ???
Vous l'aviez bien compris : il y avait un certain second degré dans ce post même si les faits et les sentiments exprimés sont 100% authentiques. Merci pour votre temps passé à  lire ce défouloir, écrit sans être relu car se voulant spontané.