La France osera-t-elle faire la révolution de la e-santé ?
Alexis Normand dans "La révolution de la e-santé - Prévenir plutôt que guérir" ( Eyrolles) pose tous les enjeux du débat sur la médecine de demain dans un monde ultra-connecté.
La France osera-t-elle faire la révolution de la e-santé ?
Alexis Normand a travaillé dans le conseil en politique publique sur des réformes de santé et dans l’industrie. Il est directeur du développement chez Withings, leader des objets connectés pour la santé, devenu la branche santé numérique de Nokia. Pour l’OMS, l’e-santé rassemble "les outils numériques au service des pratiques médicales" . Quand on parle de big data, d'applications et d'objets connectés en France, pointent vite les réserves et inquiétudes, des patients comme des médecins, sur l'utilisation des données collectées.



Mais pour Alexis Normand, déserts médicaux, rémunération ou encore prévention sont quelques-unes des problématiques de la santé pour lesquelles les pouvoirs publics, et les patients, auraient tout à gagner à un développement de l’e-santé.

En France, la part de la prévention représente moins de 3% du budget santé. Or c'est bien sur le terrain de la prévention, de l'épidémiologie et de la mise en place de politiques publiques qu'Alexis Normand insiste.

Pourquoi la France est -elle si en retard sur la e-santé ?

Alexis Normand : Les médecins sont entrés en résistance, ils craignent une ubérisation de la santé. Les pouvoirs publics sont assis sur un trésor puisque la Sécurité Sociale chapeaute 90% des données de santé des Français et leur numérisation par le biais du remboursement. Or à ce jour, ce fabuleux trésor n'a pas servi à établir des politiques publiques de prévention. Pourtant cela couterait tellement moins cher.

Enfin en France, les patients sont remboursés quasi intégralement de leurs soins. La prévention n'est pas encouragée.

Comment nos habitudes changeront-elles dans un avenir très proche ?

Alexis Normand : Dans 5 ans, le premier réflexe sera de prendre son téléphone et de consulter en ligne, ou d’avoir un médecin par téléphone pour avoir un premier triage numérique.

Aux Etats-Unis, 50% des interactions entre un médecin et un patient se font par une plateforme digitale ; ce qui n'est pas encore le cas en France. Mais un jour on pourra interroger son enceinte connectée chez soi, type Alexa, le robot d'Amazon, pour lui expliquer quels symptômes on a. Par une suite de questions réponses, on aura cette première interaction digitale. Je ne pense pas du tout que l’on va remplacer les médecins. Il y aura plus de suivi numérisé, avec des systèmes d’alerte. Le domaine du pur médical et hospitalier va se recentrer sur les interventions et sur les moments de crise. A la limite, si on va au bout de cette logique, il n'y aura plus besoin de voir un médecin en direct s’il n’y a pas intervention. Certains pays iront plus vite. Aux Etats-Unis, les gens sont mal remboursés donc il dépensent plus en prévention. En France nous sommes dans une logique contraire. Cela freine l’adoption de pratiques de prévention. Si tous ces systèmes numériques étaient financés et encouragés par les acteurs public, cela coûterait beaucoup moins cher.

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Quel est l'avenir plus lointain de notre système de santé ?

Alexis Normand : Dans 15 ans, l’intelligence artificielle aura fait de grands progrès, on aura donc les moyens de mettre en place ce que l'on appelle la médecine de précision. On sera en mesure de soigner les gens en fonction de leur adn, de vleurtre passé de santé ou de leur comportement propre. Par exemple on saura que telle molécule, comme l'aspirine par exemple, ne vous convient pas à vous en particulier, et prescrire autre chose, plus adapté.

Ces traitements reposent sur l’idée que l’on pourra calculer et comprendre beaucoup mieux tout le fonctionnement et la génétique de chaque personne. On sera donc assister de machines pour prendre de bonnes décisions.

Il faudra déléguer ces calculs à des serveurs dans le cloud. Cela suppose des dossiers médicaux électroniques partagés.

Comment la France y arriverait-elle, vu l'échec du dossier médical partagé ?

Alexis Normand : On a investi 500 milions d'euros sur ce projet, pour que seulement 300 000 personnes aient finalement un dossier. C’est un dossier centré sur le médecin et les médecins ne font pas confiance aux informations que donnent les autres médecins.

Aujourd’hui toutes les applications et capteurs sont à disposition des patients directement. Ce que proposent les sociétés privées et les applications embarquées sur les smartphones est plus performant que ce que fait la Sécurité sociale en France. Donc le patient devient le lobbyiste du dossier médical partagé. Les médecins ne sont plus au centre de l’information. Si la France ne fait pas sa révolution, d'autres la feront pour elle. Ce sera comme pour le paiement en ligne, les banques ont rechigné au début, et Paypal a été créé, aux Etats-Unis, occupant aujourd'hui une grande part du marché en France.

ALLER PLUS LOIN ||

► La CNIL vient d’annoncer que les traitements de données, nécessaires à des activités de télémédecine, de dossier médical partagé et d’éducation thérapeutique ne relèvent plus du régime d’autorisation préalable.


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